Correspondances..

Daniel s'était baladé nonchalament pendant une ou deux bonnes heures dans l'Académie et s'apprêtait à retourner dans son appartement lorsqu'il reconnut des piallements incessants qui semblaient provenir d'un étage au-dessus. Il adorait les oiseaux, aussi se précipita-il dans l'escalier pour découvrir d'où venaient tous ses cris. Au son et à la quantité, le jeune homme se dit qu'il y en avait au moins deux cent, peut-être même plus ! Pris d'un élan de bonheur comme à chaque fois qu'il entrevoyait des possibilités de passer du temps avec des animaux, il franchit rapidemment les dernières marches qui le conduisirent à une porte close. Surpris, Daniel fronça les sourcils et l'ouvrit doucement.

Aussitôt, ses oreilles semblèrent éclater sous les milliers de pépitements simultanés qui les agressèrent après ces deux heures de silence. Nullement dérangé, un sourire jusqu'aux oreilles, le jardinier s'approcha d'un hiboux d'une superbe couleur cendre qui avait l'air intelligent, et tendit gentiment la main vers lui. Il plongea l'autre main dans la poche de son jean et la rapprocha, fermée, de l'oiseau. Il surprit son regard curieux, et ouvrit doucement la main. le hiboux piailla de satisfaction en découvrant son contenu : Elle ruisselait de petites graines pour oiseaux que Dan avait toujours sur lui. Mais le jeune homme ne pût découvrir la joie du volatile, car il avait le regard fixe devant lui. Une baguette magique était pointée sur sa poitrine. Il jeta un regard interrogatif à sa propriétaire, une jeune femme, et demeura immobile.

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Daniel demeura un instant immobile lorsque la femme qui lui faisait face éclata de rire, et leva un sourcil amusé. Apparement, il n'avait rien fait de mal. Un fin sourire prit place sur ses lèvres et il l'écouta, le hiboux posé sur son bras, la main ouverte pour qu'il puisse picorer le grain.

- Ah, navrée, c'est vous... Vous savez, quand on passe une partie de son temps libre à se battre avec des hommes et des créatures plus ou moins perverses, on devient un tant soi peu paranoïaque.

Son sourire s'aggrandit, et il s'approcha de la jeune femme qui rangeait sa baguette. Il se surprit à faire de l'humour, chose qu'il n'avait quasiment jamais tentée de sa vie.

" Mais... qui vous dit que je ne suis pas l'un de ceux-là ? Un homme pervers... "

Une lueur faussement malveillante s'alluma dans son regard, puis il rit. Après tout, ça n'était pas si nul, l'humour.

- Je ne me suis pas présentée... Persephone Arc'hantael, enseignant la défense contre les forces du mal depuis une semaine. J'aurais préféré vous rencontrer autrement, je vais encore passer pour une délurée...

Daniel se demanda un instant s'il parviendrait à retenir ce nom compliqué, mais s'appliqua à l'inscrire dans sa mémoire, et répondit d'une voix amusée.

" Enchanté. Ne vous inquiétez pas, je ne répendrai nulle part la rumeur que vous être une femme délurée qui agresse les jardiniers à l'aide d'une baguette magique. "

Il laissa échapper un rire doux, puis reprit, après qu'elle lui eut posé la question.

" C'est d'ailleurs ma fonction, je suis à la fois élève et jardinier dans cet établissement, je m'appelle... "

Il s'interrompit, et décida de lui compliquer à elle aussi les choses.

" Je m'appelle Daniel Eliot Christopher Amphethéïs Jeckyll. "

Puis, pour couper court à toute tentative de mémorisation inutile, puisque personne ne l'appelait jamais comme ça, il ajouta d'une voix rieuse.

" Appelez-moi Dan. "

Il tendit la main vers elle.

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Daniel demeura ainsi, main tendue vers elle pendant quelques secondes. Voyant qu'elle ne réagissait pas, il s'apprêtait à la retirer lorsqu'elle la serra enfin.

- Ne vous sentez pas obligé de mémoriser mon nom.. Toutes les personnes à qui je me présente prennent un air affolé quand elles l'entendent.

" Oh. "

Dan se passa la main sur le visage. Avait-il eu sans s'en rendre compte un air affolé ? Sans doute que non, il extériorisait très peu ses sentiments.

- Ne soyez pas frustré si je fais de même avec le vôtre...

" En général, peu de choses réussissent à ma frustrer, Madame. "

* Exceptés les cours... *

Il se garda bien d'ajouter ces trois mots, car il se trouvait devant une professeur. N'avait-il pas de bol ? Il ne tombait que sur les gens qu'il aurait dû voir en cours s'il n'avait pas décidé de tous les sécher...

- Ceci étant dit, soyez pervers si vous le désirez, mais ne vous avisez pas de poser la patte sur moi. Conseil d'ami.

Le jeune homme éclata de rire, avant que ses yeux ne trouvent ceux de la prof. Oups, celle-ci n'avait l'air de vouloir plaisanter. Du tout. Il leva les mains, comme en signe d'excuse. Le hiboux perché sur son bras s'envola dans un bruissement d'ailes, et il demeura immobile un instant, avant de dire d'une voix douce.

" Je plaisantais, tout à l'heure. "

Apparement, ses tentatives d'humour étaient minables. Il ferait mieux de se taire si, plus tard, d'autres phrases débiles lui venaient à l'esprit. Penaud, il chercha un nouveau sujet de conversation.

" Vous avez dit être professeur depuis une semaine... Vous arrivez donc tout juste. Puis-je me permettre de vous demander d'où vous venez ? "

Question absolument dénudée d'intêret. Il s'en fichait totalement. Finalement, pour reprendre une contenance, il siffla à la manière d'un hiboux, réplique exactement semblable de ceux poussés par tous les oiseaux dans la pièce. Aussitôt, ils se tûrent et lui lancèrent un regard interrogatif. Silence.

Finalement, Daniel se reprit et s'adressa à son interlocutrice d'une voix d'excuse.

" Pardonnez ma question idiote. Je... "

Son regard tomba alors vers la lettre dans la main gauche de Persephone.

" Oh ! Pardonnez-moi de vous importuner, vous avez du courrier, je vous dérange sûrement. "

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- Ah, par pitié, ne m'appelez pas madame. Vous m'avez dit que vous êtes élèves, mais je déteste qu'on m'appelle ainsi. Mademoiselle, ou alors rien du tout, c'est parfait comme ça.

Daniel eut un maigre sourire et ses yeux reprirent un peu de brillance.

" Très bien, mademoiselle. "

- Excusez-moi, j'ai la capacité humoristique d'une petite cuillère.. Et puis, comme je l'ai dit tout à l'heure, je frôle la paranoïa, je vois des attaques partout.. Cette façon d'agir est ridicule, mais c'est la première fois que je vais dans une école, donc je suis un peu déphasée..

Persephone sembla soudain affectée, et parce qu'il détestait voir les gens malheureux, le jeune homme posa sa main sur son bras et la regarda dans les yeux.

" Vous aussi ? Quelle coïncidence... "

Dan baissa les yeux, sa main toujours posée sur le bras de la professeur, et sentit un frisson passer sous sa manche fine. Aussitôt, il pensa qu'elle imaginait qu'il se fichait d'elle, et retira sa main. Un petit silence gêné s'installa, mais il ne le laissa pas durer, avec sa question bête, à laquelle elle répondit.

- Non non, ne vous excusez pas.

Elle lui raconta son histoire, et, bien que Dan ait lancé le sujet seulement pour briser le silence, il l'écouta avec une attention qu'il s'étonna d'avoir, hochant la tête tandis qu'elle parlait. Puis Persephone l'interrogea.

- Et vous? Ca n'est pas trop difficile d'être élève et concierge à la fois?

" En réalité, je viens d'apprendre que j'ai été nommé jardinier, ce qui me plaît et me convient plus. Et, quand au "travail" d'élève... "

Il attendit, et se mordit la lèvre. Pouvait-il dévoiler à une professeur qu'il séchait les cours qui ne l'interessait pas alors qu'il allait manquer le sien ? Daniel décida d'"enjoliver" (si l'on puit dire) la vérité.

" En réalité, je ne m'adapte pas du tout aux cours, et ne les suit pas, bien que j'ai officiellement le statut d'élève ici... "

Embarrassé, il se demandait comment la jeune femme allait prendre sa déclaration. Il baissa les yeux, et, lorsqu'elle lui dit qu'elle l'importunait peut-être, Dan se dépêcha de répondre d'une voix offensée.

" Oh, non, pas du tout ! Je suis désolé si vous avez pensé que je cherchais pretexte à m'en aller, mais ce n'était pas du tout mon attention ! "

Il sourit timidement à la femme en face de lui, et osa relever la tête pour la regarder dans les yeux. Qu'elle avait jolis, d'ailleurs.

* Quel âge peut-elle bien avoir ? *

Dan regretta pour la première fois de sa vie que son visage ne soit pas plus expressif. S'il l'avait été et que la jeune femme avait pu lire dans ses pensées, elle aurait pu y répondre sans qu'il passe pour un malpoli.

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